L'auto-défense Villageoise est d'actualité dans nos zones enclavées. En raison d'un flottement au niveau national de l'exécutif, les Fokonolona sont redevenus de fait, les incontournables autorités de terroir, ils sont dans l'obligation de se prendre eux même en main au moment où je vous écrit.
Il est connu que toutes situations de troubles favorisent et les excès et les déviations criminelle . "Les plus beaux crimes exsistent aussi dans nos villages..." d'après le poète chanteur Georges Brassens.
HISTOIRE D'ANJOMA : Novembre 2008.
Un notable de ce village situé à l'Ouest des Hautes terres, route de Morondava, m'appela pour un rendez vous d'urgence à l'hôpital : "Il faut que tu voies et que tu témoignes..." me supplia MS. Il s'agissait de ces paysans blessés lors d'un assaut de leurs villages par les MAVO (les mauvais ou brigands) et suivis du vol d'une cinquantaine des zébus parqués dans leurs pâtures (An Kijana).
Étant moi même solidaire car membre du bureau exécutif d'une autre commune rurale, j'avais été automatiquement sollicité pour "témoigner" aussi des souffrances et des défis des paysans.
Hôpital Avaratra (Hôpital Nord de la ville d'Antsirabe)...
le Docteur m'expliqua rapidement les blessures et les soins dispensés auprès de six paysans blessés (dont un allait devoir subir une opération d'urgence à cause d'une balle logée dans la boîte crânienne). Problème signalé : les paysans avaient dû vendre une partie de leur récolte et des bêtes pour faire face aux frais d'hôpitaux.
Les familles des blessés étaient là, assises dans l'herbe mouillée par une grosse pluie de la veille. Stoïques étaient les mères paysannes avec leur panier à provisions d'où dépassait la tête d'un poulet. Leurs lambas aux couleurs vives et chatoyantes contrastaient avec l'ambiance morbide et douloureuse des hôpitaux. RA un des blessés me résuma l'aube du drame :
"Tous nos zébus étaient parfois couchés en dehors, dans la vallée Nord Est. C'était toujours calme chez nous et les bêtes pouvaient ainsi dormir à la belle étoile. Le danger (loza) nous avait surpris (nanampoka ny loza). C'était très tôt, à l'aube, au 2ème chant de coq (Maneno akoho in-droa) soit à 4h30mn du matin. Le KIOKA (alerte au cor de zébu) résonna au loin dans la vallée. tous les hommes valides sortirent de leur case au son du KIOKA. J'avais ma lance et ma fronde. Mon voisin était un novice (jeune gendarme affecté en zone hostile) et lui, il avait un fusil Russe Kalachnikov. Nous tous... nous grelottions... De surprise ? de peur ? de froid ? Une file de 50 personnes avait été vite formée, la moitié de ces hommes, une vingtaine, restèrent ici pour garder et protéger le village, les femmes et les enfants, et le reste, dont moi même, dans le clair obscur de l'aurore coururent dans le sentier boueux et glissant qui descendait vers la vallée. Les gens bien armés étaient devant nous... le reste avec leur lance et autres armes blanches étaient obligatoirement vers l'arrière. Mais Il avait fallu attendre la bonne clarté de l'aube pour pouvoir suivre la piste des MAVO... Les traces étaient claires, bien marquées... nous avions compté et dénombré, à travers leurs traces de pas, 8 ? 9 voleurs... la bande se dirigeait vers l'Ouest et ils voulaient traverser la rivière... Il nous fallait donc courir et les rattraper rapidement car, au delà du fleuve, c'est une autre commune et une autre juridiction et, nous ne pourrions plus les poursuivre là bas derrière les eaux si ces MAVO arrivaient à traverser la rivière ... Au bout d'une couse soutenue par un chant syncopé nous permettant de rythmer notre marche forcée, nous aperçûmes enfin, sur une colline nos ennemis (fahavalo)... Qui tirèrent. Ils étaient aussi armés. Nous avions eu un échange de tirs et un léger corps à corps. Nous pûmes quand même récupérer la moitié du cheptel et ligoter 4 voleurs. Nous avions eu hélas des blessés dans nos rangs.
Nous sommes trop isolés... dans une région où il n'y a ni Dieu, ni maître... Mais nous allons continuer à vivre et à lutter pour que nos villages trouvent la paix . La Paix et la solidarité sont les alliés du Développement rural..."
Voilà. J'ai transmis le message d'ANJOMA.
Pour ceux qui désirent comprendre pour approfondir les phénomènes de l'insécurité en milieu rural à Madagascar, je vous recommande quelques ouvrages - clés. Ce n'est pas de la publicité mais une partage de vue et d'expertise.
BIBLIOGRAPHIES
En introduction, pour situer ce phénomène de MAVO ou Dahalo, c'était à partir des années 1970 que les tensions sociales ont été observées en milieu rural. A partir des années 1973 surtout, pour certains, les DAHALO apparurent dans les paysages. C'était aussi l 'année de "la politique de restructuration du monde rural"
Mais d'autres précisent que c'était en 1976, les MAVO... C'est à dire au début de "la réforme et de Coopérativisation Agricole". Ce sont toutes des hypothèses plus ou moins partisanes qui n'expliquent en rien ces déviations violentes et criminelles dans nos campagnes.
Lectures à conseiller
1) Jean Pavageau : Jeunes paysans sans terre, l'exemple malgache, une communauté villageoise en période révolutionnaire - L 4 Harmattan. Paris. 1981
2) Madagascar : Etat, Communautés Villageoise et Banditisme rural. Henri Rasamoelina - L'Harmattan . ARCI 2007
Je vous recommande ce dernier ouvrage pour la puissance et la pertinence des travaux accomplis dans des conditions précaires du terrain. Les Hypothèses de mon ami Rasamoelina sont intéressantes : 1) Ce phénomène, qui était auparavant une pratique culturelle (voler est un jeu), devient aujourd'hui un phénomène d'expression politique, une forme de contestation du système établi préfaça le Sociologue Jean Pavageau 2) Les Paysans, dans cet ouvrage, sont les véritables héros de cette aventure, précise encore le texte de présentation.
3) Sinon, il y a toujours la géographe Sophie Moreau, intervenante de la Table Ronde aux voûtes, qui a aussi une vue sur ces histoires de Dahalo ou MAVO
Et bonne lecture si cette aventure avec les paysans vous tente aussi comme moi.
Dans le prochain chapitre, nous allons voir la Commune Rurale, 2ème actrice de développement.
Au revoir. Bekoto
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