Introduction
Suite à l'atelier d'août 2006 ( 1 ) au Centre d'appui et de formation agricole (CAF ) à Antsirabe , sur la Migration intra-régionale , je vous restitue ici mon intervention devant des leaders paysans , des représentants du Ministère de l'agriculture , et des responsables de fédérations paysannes .
L'exposé
" je vous présente 3 cas de migration paysanne . Le choix des sites de migration est simple car je suis toujours en contact régulier avec les migrants qui n'hésitent pas à venir dans ma maison pour des conseils ou pour m'apporter des nouvelles du village .
Le cas n°1 se situe à Marotaolana ( là où s'entasse des ossements) ( 2 ), commune rurale d'Anjoma où est implanté depuis 1975 et bien avant même le projet de migration officielle de l'Etat .
Le cas n°2 est une migration "spontanée" et volontaire de 141 familles dans la même commune sus - citée . Le site s'appelle Morarano (3) ( là où l'eau est abondante ) .
Le cas n°3 est celui de Manapa . Village crée à travers un mouvement de population paysanne déclenché en 1963 , durant les premières années de l'indépendance pendant laquelle l'État Malgache incita et appuya financièrement la migration et distribua les terres fertiles (sans paysans ) aux volontaires désireux de faire une autre vie ( manao fiainan-baovao ).
Comme remarque générale sur ces différents cas , il y a des similitudes dans la première démarche des groupes . L' implantation se fait systématiquement par étape , avec le temps , les paysans- migrants s'adaptent progressivement à son environnement et avec ses voisins . D'abord , les postulants à l'aventure migratoire envoient sur les futurs lieux d'occupation un petit groupe d'hommes , un avant-garde de solides bonshommes ( lahy matanjaka maro maro ) dont le rôle est de tâter le terrain vierge ( mitsapa ny tany vao ) et demander l'accord les populations historiques résidant sur place ( manao fomba sy miera any Tompon-tany).
A priori , comme vous pouvez le constater sur votre propre chantier agricole ,ces paysages en apparence inhabités et déserts sont bel et bien occupés ou servent de relais et de bivouac aux pasteurs nomades Bara , Antandroy . Parfois des chercheurs d'or et de pierres précieuses sillonnent cet immense panorama . Je ne vous parle même pas des bandits et des Mavo ( les mauvais) qui hantent nos campagnes et qui nous donnent souvent des cauchemars.
De toutes les façons, les brigands font partie du risque dans notre métier de développeur en zone hostile...Sinon , avez vous pu observer aussi que chaque colline(havoana) , qu'un coin de vallée silencieuse ( lohasaha mangina) , qu'un lambeau de forêt primaire , qu'un morceau d'espace ( singana toerana kely ) possèdent toujours un nom ou une appellation ? (4)
Si ces lieux inconnus ont un nom c'est que d'autres hommes étaient passés par là , avec leur histoire , leur défi et leur espoir aussi .
J'espère qu'avec ces études des trois cas , des hypothèses de travail pourront être élaborer pour pouvoir réussir , comme l'indique le sujet du jour ,une migration paysanne .
Le site migratoire de Marotaolana 1975
J'ai connu ces migrants originaires des hautes terres grâce à un litige foncier qui les opposait à la population nomade Bara , premiers occupants historiques des lieux .L'affaire actuellement traité auprès du tribunal s'appelle " l'affaire Tsilevo " , du nom d 'un neveu de chef traditionnel Bara . Le jeune tsilevo est en conflit contre les paysans .
Historique
1975 :première occupation des lieux par les migrants officiels.Création du hameau Marodita(où pullulent les sangsues ).Cérémonie et demande de bénédiction auprès des bouviers nomades Bara , ces propriétaires naturels des espaces.Cette demande de terres se fait devant le Fokonolona et l'accord verbal sera plus tard entériné par le Fokontany ( cellule administrative de base ).L'accord se fait sur parole devant témoins ( teny hiarana )
1985 : extension des terrains de cultures et une autre cérémonie pour redemander d'autres terres aux Bara
1986
Un membre du clan Bara riche en cheptel bovin, le fameux Tsilevo , arriva sur les lieux . Étant le neveu d'un puissant chef de clan , le jeune et fougueux Tsilevo est un intouchable.Ses zébus , en ce moment là , commencèrent à divaguer et à manger la récolte des paysans-migrants. La destruction de récolte est une affaire pénale .La tension commença à s'installer entre les deux communautés qui étaient pourtant en relation de bon voisinage avant .
1995
Tsilevo augmenta encore ses troupeaux de zébus . Le fokonolona parlait même de 7 000 têtes de zébus .Les mauvaises langues accusèrent par ailleurs Tsilevo d'être un chef de bande de voleurs de zébus ( dahalo izy io ). Et la destruction des récoltes par les bêtes continua .
Pointe d'humour involontaire , les paysans mirent un panneau qui démarquait leur territoire , le genre " Défense d'entrer , propriété privé " . Cela ne put empêcher les dégâts causés par les animaux de Tsilevo et en réplique aux paysans furieux , notre Bara répondit : " Mes zébus , comme moi , ne savent pas lire vos panneaux ".
1997
les paysans portèrent plainte auprès du Tribunal sur leurs 24 Ha de manioc et de maïs brouter jusqu'à la racine par les zébus " analphabètes " de Tsilevo. ( lanina mbany fakany ny mangahazo sy ny katsaka )
1998
Les autorités ( maire , gendarmes ) confrontèrent les antagonistes et les prièrent de s'arranger à l'amiable . Cette région hostile n'a pas besoin d'une friction inter-clanique de plus supplémentaire .
1999
Mais Tsilevo le nomade Bara , riposta et porta aussi plainte sur une affaire de cochons des paysans qui auraient profané et souillé des coins sacrés ... Les porcs sont tabous chez les nomades Bara et tsilevo , paré de ses amulettes et sa lance , demanda par la suite des titres d'acquisition et de bornage de ses pâturages traditionnels de plus de 2 000 Ha auprès des services des domaines .
Ce qui suppose à terme , la fin et la mort des villages des migrants car ceux -çi n'auront plus jamais d'espace à l'avenir pour étendre leurs plantations et leurs villages .
A cette époque , le tribunal trancha en suspendant tous les travaux agricoles sur les pâturages à problème tout en donnant raison à Tsilevo le fougueux bouvier Bara aux 7 000 zébus . Les histoires de tabous ( fady ) sont des histoires graves en brousse .
Nos migrants , dont les familles augmentèrent au nombre de 400 familles , soit environ 2 000 âmes , firent appel . En désespoir de cause .
2006
Un statu quo ou une trêve tacite ont été observés par les deux parties en litige . L'Etat étant aussi en pleine réorientation sur sa politique agricole et Foncière .
En plus les cochons en liberté des villageois avaient bel et bien " souillés" une case Bara .
En résumé , et par delà l'aspect juridique du conflit , nous pouvons relever les points suivants :
A) C' est un conflit classique et universel entre éleveurs sédentaires et bouviers nomades
B) La politique de migration rencontre l'insécurité Foncière , source de blocage du développement et de la prospérité des villages .
C) Une politique judicieuse sur les pâturages traditionnels et sur les mouvements des nomades et de leurs troupeaux n'est pas encore insérer dans un cadre institutionnel clair . Une harmonisation des intérêts du paysan sédentaire et du bouvier nomade doit être étudier de très prés .
Bref , c'est un conflit de cultures différentes , un conflit de civilisation même si vous voulez .
Que faire ?
l'impuissance des autorités à régler ces drames récurrents en brousse , provient , dans le fond, d ' une manque de perspective dans l'attribution équilibrée des espaces et pour les cultures et pour les élevages ambulatoires traditionnels . Ce sont deux activités complémentaires pourtant .
La politique de migration , si nous tirons une leçon sur Tsilevo , doit prendre en compte les occupants historiques des lieux . un respect et une tolérance des us et coutumes des Bara est le minimum demandé aux migrants .Le "minimum vital " . Pour éviter des troubles sociaux inutiles et harassants à la fin . Ce n'est pas facile de gérer tout le temps des conflits inter-communautaires ou inter-claniques en brousse .
A suivre .Morarano . Cas n°2
Bon mercredi
Bekoto
PS :La politique du " Ranching" initié en 2007 par l'ancien pouvoir au sud , à Ihosy , le paradis des zébus semi-sauvages , consistait à parquer obligatoirement tous les ruminants dans un "Ranch" plus ou moins privé de 1 000 Ha et plus.
Dans un premier temps , les éleveurs nomades mirent leurs bêtes dedans . Mais actuellement , vu la débandade constatée auprès des futurs Cow Boys du Ranch d'Ihosy , les nomades ont très vite retiré leurs bêtes car, selon eux , " elles maigrissent et souffrent de ne pas pouvoir gambader ou se battre entre eux " ( mijaly avao aomby né...mahi biby..tsy afa-mialy koa 'reo ).
Pour la petite histoire de bêtes , un spécimen de zébu semi-sauvage , un monstre de la nature de 650 kg avait été , lors d'une foire paysanne exposé à Maintirano , dans la région du BOENY .
Notes
1 ) 2006 : rappel sur le foncier . C'était le moment de la réforme foncière suivi de la révolution verte .
2 ) Marotaolana ( où il y a beaucoup d'ossement) est un lieu devenu historique par les guerres frontaliers entre les hautes Terres et les royaumes Sakalava . Le lieu dit fut le cimetière des soldats morts dans la bataille .
3 ) Morarano : C'est le village des migrants que vous pouvez voir dans le film " Mahaleo" de Paës et de Rajaonarivelo . Voir Laterit SVP .
4 ) La toponymie ou l'étude de l'origine et de l'étymologie des noms des lieux est une science d'avenir pour nous . Les satellites ou le SIG ( système d'information géographique ) nous dévoilent du ciel des " paysages vides et désertiques " . En opposition avec la mémoire des Malgaches qui ont déjà donné des noms à tous les lieux inimaginables . Regardez attentivement une carte de Madagascar échelle 50 000 ème . Vous verrez tous les noms des coins supposés inoccupés , inhabités et inconnus .
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RépondreSupprimerBonjour Joseph
RépondreSupprimermerci bien pour la proposition . Comme c'est un blog de communication technique et Sociologique , voire pédagogique dont le soucis est de partager des information, fiables et utiles pour le monde paysans d'ici et du monde entier , je m'excuse de vous dire que nous ,le petit cercle et moi même , devront nous concerter d'abord . Ensuite nous vous contacterons si votre offre ne gêne pas le comité qui travaille avec moi . C'est une histoire d'éthique .
Bien sûr , je ne " crache pas dans la soupe " comme on dit .
Cordiallement
bekoto
PS :C'est la publicité dans le Blog qui semble indisposé le cercle...La pub sur les tracteurs informatisés ou sur les engrais chimiques ne me plaisent pas. Par exemple . Ou bien je ne comprend pas bien votre offre ?