Les Migrants de Morarano : Cas N ° 2 .
( Suite de la conférence d'août 2006 )
"Notre 2 ème cas de migration est celui de Morarano, parcelle de Soamananjara , dans la commune d'Anjoma - Ramartina , District de Mandoto . C'est une migration de 141 familles paysannes qui avaient quitté leur village d'origine à Betafo ( 1 ) à cause d'une manque de terres de cultures .
Cette migration spontanée et volontaire , avait été appuyée par les Catholiques et les privés de bonne volonté. Le premier cas , Marotaolana , étant un projet de l'État Malgache.
Bref Historique
1995
Un petit groupe de paysans d'avant garde prospecta les nouvelles terres avec leurs fonds personnels . Ces fonds avaient servi à assurer ces dépenses suivantes : frais de voyage , achat du semis et engrais , achat d'un stock de vivres , administration comme les frais divers pour les autorisations à faire dans la Capitale . Ils étaient 13 personnes , des hommes solides .
1996
Les familles suivirent ensuite derrière , en 2 ème vague . l'opération était officiellement sous couvert du service de migration . Les 141 familles s'implantèrent finalement à Morarano ( où l'eau est abondante ) qui , comme le nom l'indique , est une magnifique vallée irriguée par des sources naturelles s'écoulant des forêts primaires (2) situées en amont d'une piste qu'empruntent parfois les bouviers nomades provenant du Sud et du sud- Ouest et de l'ouest (mpanao dabo-kandro sy mpitarik'omby )
Problème
L'affaire commença par un acte de destruction de récolte diligenté par ceux qui résidaient déjà longtemps sur place et qui ne toléraient pas les étrangers ( vahiny ) .
Tiers personne avait commandité le saccage des champs de manioc des migrants pour les dissuader de monter leur village sur ces lieux qui sont pourtant inoccupés et disponibles selon le service de Migration.
Précisons que le contexte était spécial en ce moment car c' était aussi la mise en place des nouvelles communes à Madagascar et la prise de responsabilité des premiers et nouveaux Maires élus .
Et ce fut le Maire élu en personne qui fit obstruction au Projet et qui avait agit ouvertement contre le projet de migration chapeauté par le pouvoir central de la migration du Ministère .
Ce type de conflits de compétence entre élus et État était sans précédent et méconnu , car c'était au fin fond du moyen-Ouest .
le Maire déclara , avec un fusil de calibre 12 dans les pattes , que c'était lui l'État et que c'est "ma commune" et , grossièrement exprimé , l'État c'est là bas en ville (any andrenivohitra any ny fanjakanareo fa izaho no fanjakana eto) .
Le tâtonnement et les balbutiements de la décentralisation effective du pouvoir étaient flagrants dans cette affaire baptisée par les médias :" l'Affaire Soamananjara ou "Rambo de la brousse" ou bien " La commune dont le Maire est le Roi " .
Des articles et une investigation journalistique d'une rare qualité avaient mise en lumière l'existence d'un curieux petit réseau de politico-maffieux qui ne faisait que racketter les petits paysans . Des articles de presse ciblèrent alors le Maire élu et les autres élus , des complices passifs ou actifs dans cet harcellement anti-paysans .
Offensive médiatique
Une grande campagne médiatique fut menée pour mettre en lumière la situation insoutenable vécue par nos141 familles . Celles çi avaient emmené , en plus , avec eux leurs enfants , la marmaille , et comme ils avaient tout vendu pour s'investir dans une nouvelle vie ( zébus , charrettes , cochons , rizières , meubles etc...) , ils furent acculés dans un piège à sanglier :
" Longoha mitafy bozaka io , ary hamandrihana ny lambo ou c'est un fossé à sanglier recouvert d'herbe , ils nous poussent à tomber dedans comme un gibier de chasse.
Ces migrants ne pouvaient plus revenir en arrière . Vu leur situation de détresse , ils furent en droit et dans l'obligation de faire de la légitime défense. Et l'affaire devint rapidement une affaire d'État qui défraya la chronique pendant un bon moment. Ce n'est pas courant que des humbles paysans ripostent et s'organisent pour un violent affrontement ( raikitra ny ady tany ry Andriamanitra ô ) . La colère des justes fait peur . Crois moi . Et je peux vous l'affirmer ici en face en face dans cette conférence .
Une affaire de vrai/faux titre foncier fut alors mise à jour et dénoncé par un très bon journaliste pro-paysan (3) .
Le Maire en question détenait en effet un vrai/faux titre de propriété foncier sur les parcelles dénommées Soamanajara ( 4 ) et il voulait ainsi , pièces en mains , dégager les migrants .
Pourquoi chasser les paysans ?
Une des raisons plausible de cette " paysannophobie" est la présence d'importantes veines d'or de surface(5) dans une commune rurale aussi grande que l' île de la Réunion , d'où la tentation cupide de spéculer bêtement sur le Foncier ( Bizina volamena indray ny ady eo ) .
Plus tard en tout cas , un des premiers comptoirs de l'or dans notre pauvre grande île avait été érigé dans cette même commune . Le comptoir N2 d'Anjoma Ramartina ou Le C/or/N°2 D'anjoma R. pour faire la frime -technique .
2002 et la crise
C'était le moment de la crise du pouvoir et le chaos administratif totale . Le conflit de Morarano a été alors relégué en second plan par l'actualité très mouvementée . un statu quo avait dû être observé par les deux parties en confrontation .Les paysans , eux , ne purent dormir que d'un seul œil toutes les nuits et restèrent en permanence sur leur garde ( mandry an'driran'antsy ny olona aty ) .C'est fatigant et injuste car le lendemain , ils doivent encore aller dans les champs pour travailler et emmener les bêtes paître dans la vallée (mitondra ny biby an-kijana ) .
Et en ce moment aussi , le grand problème dû à la crise politique était, en priorité ,d'assurer la sécurité des biens ,des personnes et des animaux d'élevage d'abord .Vous vous en souvenez qu'à cette époque les Mavo ( mauvais ) faisaient la loi ?( tany tsy misy Andriamanitra ny aty aminay).
Leçon à tirer
Par delà les enjeux et les jeux politiques classiques ( ady seza lava io zavatra politika io ) car le Maire était membre d' un parti fort et dominant , le rôle de la communication a été vital et décisif .
Donc , un mouvement de migration doit surtout s'assurer tous les moyens pour rester en contact régulier avec l'extérieur et avec la ville . Briser l'isolement pour ne plus être l'éternelle victime des abus ou des caprices perpétrés des mini - caïds de la brousse ou des personnages politiques inquiétants et superficiels ( olona hafahafa ireo sady manpifezaka no mamono vorono fotsiny kay ) . A Suivre la dernière étude de cas N°3 : La commune des migrants et paysans- Soldats d'Anosiarivo Manapa .
Bonne semaine à tous .
Bekoto
Notes
1 ) De ce bourgade de Betafo ( Village aux nombreux toits de chaume) , avait été , étymologiquement tiré le nom de la pierre betafite ( minéraux de l'uranium ) . Betafo était aussi la capitale hautement historique de la région du Vakinankaratra. C'était le royaume d'Iandratsay qui , au 18 ème siècle , commerçait déjà avec les Arabes . Betafo est parfois appelé la contrée des cent volcans en raison des cônes égueulées de ses nombreux volcans éteints qui agrémentent son étrange paysage solennel et houleux .La région est très fertile grâce aux pouzzolanes , ces cendres volcaniques séculiers .
Sur le Betafite : www.LaMystiqueDesPierres.com
2 ) Les paysans - migrants me racontèrent qu'il avait eu une fois affaire avec une femelle de fosa (cryptoprocta ferox) qui protégeait ses petits et son territoire situé dans la forêt primaire . La fosa miaulait d'agressivité et empêcha les migrants d'aller chercher de l'eau et du bois dans cette forêt. Le fosa ressemble à un petit puma au museau allongé .Il est endémique à Madagascar . Sa cruauté bien que légendaire est fausse .L'animal est seulement féroce.Il n'attaque pas l'homme. Des zoologistes le nomment parfois le loup garou de Madagascar. Et c'est vraiment rare de pouvoir en croiser un pareil animal .
Merci à Agnès de Laterit Production pour ce " Fosa"
(photo j-fi http://www.flickr.com/photos/jonf/2807221108/)
3 ) Le Comité pour le Droit des paysans que j'anime actuellement était né durant ce contexte très éprouvant et incertain .Le Fokonolona de Morarano , ainsi que Justice et Paix de l'Église Catholique avaient ensemble légitimé sa création .
Merci à vous les jeunes journalistes de l'Express de Madagascar qui avaient pris un énorme risque pour couvrir pareil évènement pendant cette année de feu .
4 ) Soamananjara est le nom que nos migrants avait donné à leur futur village . Traduction large : Ce nouveau village est notre part de chance pour vivre .
5 ) l'or de surface s'obtient en creusant des étroites galeries rudimentaires pour ramener les terres aurifères à trier à la surface ( misivana volamena) . L'or alluvionnaire , lui , se trouve au bord des fleuves . Les orpailleurs de la zone arrivent à en extraire entre 5 grammes à 50 grammes par jour et parfois dans des conditions à haut risque ( mety handeha mba ny aina io asa io ) . Ces galeries non sécurisées sont baptisées par eux même couloir de rats ( làlan-boalavo ) .
Je vous donne l'heure Malgache :
Il est 3 heures du matin à Madagascar ou selon l'heure traditionnelle " les sorciers rentrent dans leur case après avoir fait le mal et après avoir dansé sur les tombes ( mody mpamosavy ny alina aty amintsika ) .
Salut Bekoto,
RépondreSupprimerTrès intéressant ta série d'article sur "Les Migrants". C'est toujours un plaisirs de te lire.
A bientôt et merci encore pour ton érudition sur la vie paysanne any dago !
A bientôt namana
Rija
Salama Rija
RépondreSupprimerMerci de continuer à marcher avec nous ...
Les Migrants ? leur Histoire , leur errance , leur volonté ,...me fascinent et m'ordonnent aussi à être humble , ouvert et enthousiaste parfois . Je ( me) découvre un epu avec eux...après tout , ces gens là sont aussi nos Frères ..Frères de rêve ,d'espoir et de courage.Tu passes à la maison quand tu veux. Tu connais déja le chemin
Namana
Bekoto