Le tombeau de Bemasoandra
Cet animal de compagnie, dans certaines régions de Madagascar, est parfois victime de préjugés défavorables ; et ce, malgré la place éminemment historique du chien dans notre Histoire. Ramboasalama était le nom du Grand Roi Andrianampoinimerina avant sa sacralisation (Amboa : Chien et salama : en bonne santé, chien en bonne santé, était ainsi le nom de notre ancien Roi). Un fait, pourtant, m'avait à la fois beaucoup intrigué et même bouleversé dans le village de Bemasoandro ou le lieu du plein soleil.
C'était à Bemasoandro donc, dans la région limitrophe orientale de la Région du Vakinankaratra toujours, la commune rurale du même nom : Bemasoandro.. là-bas où la production de pommes et de lait sont telles que les pistes sont baptisées les pistes du lait et des pommes (làlan- dronono sy paoma)... allusion à ces nonchalantes caravanes de charrettes qui transportent ces produits des récoltes vers la ville. l'objet de ma curiosité était une tombe sur laquelle était érigée la statue d'un chien !
le bon et brave paysan Malgache du coin évitait à tout prix de passer devant cette tombe perdue bien enfouie dans les herbes folles et les enchevêtrements des racines d'eucalyptus. Des personnes me racontaient même, à voix basse, que le seul et unique mort couché dedans cette tombe était un sorcier fou (mpamosavy adaladala) car pourquoi, en effet, s'enterrer ainsi avec un chien. la solidarité proverbiale des Malgaches conseillait qu'il faut vivre toujours ensemble, vivre dans la même case et mourir dans la même tombe (velona iray trano, maty iray fasana). L'accent méprisant du paysan, masque mal l'épouvante qui faisait vibroter sa voix... Qui était cet étrange personnage qui rejeta sa propre société traditionnelle et ses coutumes pour choisir de dormir pour l'éternité avec un animal tabou (fady) ? Un vieux paysan me raconta que l'Homme au chien était un chercheur d'or et de pierres précieuses. Il vivait seul à l'orée de la gigantesque falaise qui délimitait les Hautes terres des grandes forêts primaires de l'est (alan'Antsinanana )... qu'un monstre les aurait, un nuit, attaqué.. que le chien y avait laissé sa vie pour défendre son maître qui fut, après coup, devenu fou de douleur, et l'homme aurait pleuré pendant une semaine son brave chien et aurait donné tout... oui... tout son or à un village pour qu'on l'enterra, lui même après sa mort, à côté son chien fidèle pour qui il commanda, en son hommage, cette étrange et grossière statue.
Le chercheur d'or repartit de nouveau dans les forêts, les villageois construisirent la tombe en y élevant donc la statue du chien. A son retour, le chercheur d'or, revint cette fois çi les mains vides. Il construisit une case à lui tout seul loin de la société des paysans et vécut en marginal comme un lépreux (nitoka - monina toy ny boka).
Quand il mourut, les paysans, respectueux de la parole donnée, l'enterrèrent avec son fidèle compagnon de la vie et de la mort.
Les deux esprits des inséparables compagnons doivent peut être encore chercher de l'or, jusqu'à la fin des temps, et, insouciants complices devant l'éternel, gambader à jamais dans les profondes et mystérieuses forêts orientales qui font face aux grands vents et aux embruns salés de l'océan Indien.
Une tendre et triste pensée, à l' orpailleur inconnu enseveli avec son chien à Bemasoandro.
Bon week-end
Bekoto
Très beau conte et joliment retransmis
RépondreSupprimerMerci à l 'anonyme
RépondreSupprimerMême si l'anonymat me gêne énormement dans notre blog paysans ...
Ce n'est pas un conte . L ' imaginaire paysans , le monde de l'immatériel ou sa cosmogonie paysanne si vous voulez mérite d ' être retransmis dans toute sa dimension et ses valeurs ...pour comprendre d'abord et amer ensuite nos travailleurs de la terre ..
Cordiallement
Bekoto